Rencontre avec Monsieur Newstone
Article du Petit Pointilleux, par Arthur Dent

Depuis quinze minutes, je suis confortablement assis au comptoir d'un pub situé port de Newstone. J'attends Robert J.Dursley pour une interview, je vais rencontrer le mythique fondateur du club de Newstone FC. Je suis venu un peu plus tôt, j'aime réviser mes questions. Il est ponctuel m'a t-on-dit. Je regarde ma montre quand, soudain, retentit la cloche de la porte d'entrée. Dans son écho, j'entends : "Arthur Dent, quel plaisir !". Monsieur Newstone est arrivé ! Il est vêtu d'un siret jaune et de bottes tapissées d'une odeur d'iode. Il s'excuse car il revient de la pêche et il n'a pas eu le temps de se changer. Il me demande si l'on peut s'asseoir à une table plutôt qu'au bar. Il n'a plus le dos de ses vingt ans et il ajoute "en tant qu'ancien président, on en a cassé du sucre dessus!".

Il commande une bière, allume sa pipe, prend deux, trois respirations et me fixe du regard comme pour me dire "vas-y, je t'écoute." Alors, je commence par une question très simple : quelle vision porte le fondateur sur son club actuellement ?

"Déjà, un grand sentiment de fierté ! On est en SL2 tout de même, et depuis 3 saisons maintenant. Notre petite île flirte avec les grands du continent" Ce qui compte bien plus que les résultats pour lui, c'est la joie que le foot procure aux habitants de cette ville. "Cette réunion chaque semaine, dans les tribunes, dans un bistro ou au creux d'un canapé avec des gosses... C'est tout ce dont j'avais rêvé quand j'ai créé ce club en '96. "

Quand je lui demande s'il est fier de son fils Samuel, aujourd'hui propriétaire du club, il me rabroue. J'ai posé une question trop sentimentale. Donc, je barre les deux suivantes. Il descend sa choppe de bière et dans un espace laissé entre respiration et déglutition, il glisse : "Bien sûr que je suis fier du fiston. Allez question suivante."

Ce n'est plus un secret, la direction de Newstone a décidé, malgré les réticences des supporters, de maintenir sa confiance envers Serge Karamazov. Les résultats du coach français ont été très décevants cette saison. Je souhaite l'interpeller à ce sujet, mais à peine ai-je commencé à poser ma question, qu'un Dursley incrédule me coupe : "Je vois très bien où vous voulez en venir. Serge est un gars bien, il n'a pas hérité d'une situation facile. Laissez-lui le temps, bon sang." Voilà, j'ai ma réponse.

Le passé, c'est le passé. Monsieur Newstone insiste sur cela. Une nouvelle saison approche et avec elle, son lot de défis. Selon lui, il est temps que le saumon se mue en requin. "On a les capacités pour aller chercher ce foutu titre. On n'a pas toujours eu les chances de notre côté, ni l'arbitrage, mais ça ne doit pas tout excuser." Il précise d'ailleurs qu'un "coup de raclette" serait bientôt passé dans le noyau A. Qui seront les grandes victimes de ce nettoyage ? Il ne veut rien dire.

Quand on parle des Sailors, on pense souvent aux Brasseurs d'Avalonia avec qui, ils se disputent un classico mouvementé, deux fois par saison. Enfin, ils se disputaient. Et oui, le Kluisberg vient d'atteindre la division supérieure laissant son adversaire bien seul... Mais il ne faut pas se morfondre, d'autres derbys viendront alimenter la saison à venir ! "Et oui, on n'a plus les brasseurs, mais on a les ferrailleurs de Westvos et les bourgeois de Brianna à se mettre sous la dent." Dursley a beaucoup d'estime pour les deux propriétaires de ces clubs d'Albishire. Il ajoute même que l'un est plus sympathique que l'autre, mais il ne dira pas lequel. Il fait confiance aux ultras pour animer ces rencontres : "Brianna, Westvos, ce n'est pas encore des matchs aussi attendus que face aux brasseurs, mais ça le deviendra."

Quelque chose m'interroge... Comment deux clubs, venant de deux régions différentes, ont pu alimenter une rivalité aussi coriace ? Ma seule question suffit à illuminer le visage de Robert. Il commande deux choppes, une pour lui, une pour moi. Nous sommes servis, l'histoire peut commencer.

Il m'explique que ce classico est d'abord lié à une collaboration historique entre les deux villes. Dans les années 80, quand on revenait de la pêche, il était de coutume de s'arrêter au bar pour y commander une "sardine ailée". C'était une friture de poissons de la baie de Newstone, accompagnée de sa Chougle de Kluisberg.

Un jour, grand malheur pour les Avaloniens, Newstone a commencé à produire son propre stout. Conséquence, l'importation de la Chougle a chuté dans l'archipel et a provoqué la vexation des Avaloniens. De fil en aiguille, les supporters des Sailors ont commencé à chambrer les brasseurs dans les tribunes. Il s'agit de très beaux souvenirs pour le fondateur "On était encore dans les petites divisions à ce moment-là. Les gars, les pochtrons qu'on les appelait, ils ramenaient leurs propres tonneaux (rires). Ils ne voulaient pas toucher notre pisse qu'ils disaient."

Le barman derrière nous se met à rire. Il nous dit qu'au fond les supporters n'avaient pas tort. "C'est vrai qu'il goûte une mauvaise pisse notre stout." Dursley lui demande de lui en mettre une pour l'occasion, avant de finir sur une note de nostalgie "Aaaah, ils vont nous manquer ces pochtrons".